Brouillon d'article de Samuel non utilisé :
Jean-Pierre,
Te faire rentrer en 2000 caractères ; pourquoi pas demander à mettre Paris en bouteille ?
Il y a déjà ce qui transpirait : ta générosité, ton humour, tes talents de pédagogue, et l’intérêt communicatif pour l’acte de concevoir, construire et réhabiliter.
Il y a également ce qui impressionnait tes proches : ton érudition. Nadine ta fille ainée a avoué que sur les questions traitant de musique, archéologie, littérature, photo, architecture… il ne lui reste désormais que Wikipédia.
C’est également pour cela que l’on t’a comparé à Cavanna, autre rital érudit. Et comme lui tu étais plus attiré par les couleurs tranchées. Le rouge particulièrement. Comme le sang qui coulait de ton imposante chevelure suite à une manif où, jeune étudiant, plutôt que reculer, tu as couru face aux CRS pour brandir un drapeau rouge laissé à terre. C’est cette détermination que tu mettais dans écobâtir. Et dans la même veine, tu nous offrais de ton lit d’hôpital "Premières mesures révolutionnaires", et tu confirmais sur ton testament la lecture de "Discours sur la servitude volontaire" pour tes obsèques.
Mais pour ma part je retiendrai d’abord et avant tout l’amitié, l’humour, et l’intégrité intellectuelle. Tu en connais beaucoup qui décident de mettre fin à un ouvrage qui se vend encore, et qui prennent 2 ans pour le réécrire totalement ? Tout ceci parce que nous avions beaucoup appris entre 2000 et 2008, et que sur le terrain on voyait que "L’isolation écologique" pouvait devenir contre-productif.
Intégrité intellectuelle, sauf peut-être lorsqu’il s’agissait de tacler le Ministère, EDF®, Lafarge®, Isover® ou le CSTB. Mais il est vrai, tu ne supportais pas cette attitude à ne pas respecter les concepteurs et à prendre l’artisan pour un simple poseur. Tu investissais pour que l’architecture et les savoir-faire reprennent leur place ; force est de constater que ta saloperie de putain de merde de cancer est arrivée un peu tôt.
En la quittant l’autre jour, ta maman m’a laissé un « Samuel, comment vas-tu faire désormais ? ». Son souci je pense était d’ordre professionnel. Je l’ai rassurée, même si je sais que, si le blog commun sortira cet été, le livre sur la réhab prend là un sacré coup dans l’aile. Mais ce qui me manquera le plus c’est la complicité, ces soirées passées dans ta cuisine à rire fort, refaire le monde, commenter l’actualité. Là nous parlerions Panthéon et la fierté d’y voir entrer Germaine Tillion.
Ton Panthéon à toi devait être Dieulefit. Ta maison que tu y construisais devait être le lieu où tes nombreux amis allaient venir passer du bon temps avec toi. Tes trois enfants ambitionnent de poursuivre ce projet, nous en reparlerons.
Enfin, je pense à la chance que tu as eu de croiser Claude Aubert. Sans cette rencontre l’occasion d’écrire un premier livre et de transmettre ta façon de comprendre les choses n’auraient trouvé écho qu’auprès de quelques rares privilégiés.
Merci tout plein, …et les anecdotes du Grillon et de Charlie-Hebdo sont de bons augures.
Bise
Un chanceux de 25 ans d’amitié